La location saisonnière, popularisée par des plateformes comme Airbnb, est une source de revenus attractive pour les propriétaires. Mais est-ce toujours autorisé en copropriété ? La réponse est complexe et dépend de plusieurs éléments : le règlement de l’immeuble, la fameuse « clause d’habitation bourgeoise » et les règles de votre ville. Alors, la copropriété peut-elle vraiment vous interdire de louer votre bien en location saisonnière ? Faisons le point.
Résumé
Pour savoir si un propriétaire peut faire de la location saisonnière, il est essentiel de :
- Consulter en priorité le règlement de copropriété, qui est le document de référence légale;
- Porter une attention particulière à la « clause d’habitation bourgeoise« , dont l’interprétation est cruciale;
- Comprendre qu’une interdiction est valable si elle est clairement écrite dans le règlement ou si des nuisances réelles sont prouvées;
- Vérifier impérativement la réglementation de votre ville, qui s’ajoute aux règles de l’immeuble.
Le cadre légal : que dit la loi sur la location saisonnière en copropriété ?
Le principe : le propriétaire est libre d’utiliser son bien
La loi du 10 juillet 1965 pose un principe simple : chaque copropriétaire peut utiliser et profiter librement de son logement. Cette règle fondamentale donne aux propriétaires une grande liberté sur l’usage de leur appartement. C’est une application directe du droit de propriété, qui est un droit protégé par la Constitution.
Cette liberté comprend le droit de louer son logement. En théorie, un propriétaire peut donc choisir le type de location qu’il préfère : logement vide, meublé, pour une longue durée ou pour des séjours courts (location saisonnière ou meublé de tourisme). Ce droit découle directement de l’article 544 du Code civil.
Attention toutefois : ce droit n’est pas sans limites. Il peut être restreint pour des raisons justifiées, comme préserver la tranquillité de l’immeuble, la sécurité ou sa vocation première (sa « destination« ). Ces restrictions doivent rester proportionnées.
Le règlement de copropriété : le document de référence
Le règlement de copropriété, c’est un peu la constitution de l’immeuble. Il définit les règles du vivre-ensemble, ainsi que les droits et les devoirs de chaque propriétaire. Ce document s’impose à tous, qu’ils habitent sur place ou qu’ils louent leur bien. Il est rédigé à la création de la copropriété et peut être modifié par un vote en assemblée générale.
C’est ce règlement qui précise la « destination de l’immeuble » : est-il à usage d’habitation pure, mixte (habitation et professions libérales) ou commercial ? Cette destination est essentielle, car elle détermine les activités qui sont autorisées dans les appartements.
Toute clause qui limite la location saisonnière doit donc être inscrite dans ce règlement et être justifiée par la destination de l’immeuble. Ces clauses doivent être claires, mesurées et ne pas abuser du droit de propriété. Le syndic ou le conseil syndical ne peut pas les imposer de sa propre initiative.
Loi Le Meur (2025) : ce qui change pour les règlements de copropriété
Depuis le 1er janvier 2025, la loi Le Meur facilite l’interdiction de la location saisonnière en copropriété. Désormais, les copropriétaires peuvent modifier le règlement de copropriété pour interdire la location saisonnière par un vote à la majorité des deux tiers (et non plus à l’unanimité). Cette interdiction ne concerne toutefois que les logements qui ne sont pas la résidence principale de l’occupant.
La fameuse « clause d’habitation bourgeoise » et ses interprétations
Cette clause, très fréquente, précise que l’immeuble est réservé à un usage d’habitation « bourgeoise« . Son origine remonte au 19ème siècle, où l’on voulait distinguer les beaux immeubles d’habitation des bâtiments commerciaux ou industriels. Aujourd’hui, son interprétation donne lieu à de nombreux débats juridiques.
Son sens peut varier :
- Une clause « simple » autorise généralement les professions libérales et n’interdit pas forcément la location saisonnière. La justice considère alors que l’activité reste compatible avec le caractère résidentiel de l’immeuble ;
- En revanche, une clause « d’habitation bourgeoise exclusive » est bien plus stricte. Les tribunaux l’interprètent souvent comme une interdiction de toute activité commerciale, ce qui inclut la location saisonnière. Pour les juges, cette formulation exclut les activités qui entraînent un va-et-vient de personnes et des nuisances.
Quand l’interdiction de la location saisonnière est-elle valable ?
Le cas d’une interdiction claire et explicite
Si le règlement de copropriété contient une clause qui interdit noir sur blanc la location meublée de courte durée, l’interdiction est en principe valable. Pour être appliquée, cette interdiction doit être formulée de manière précise et sans ambiguïté. Des termes trop vagues peuvent être contestés.
La clause doit être précise et ne pas être abusive. Elle doit définir clairement la durée, le type de location visé et les conditions d’application. Une clause trop générale ou disproportionnée risquerait d’être annulée par un juge.
Une telle interdiction est souvent justifiée par la volonté de préserver le caractère résidentiel et le calme de l’immeuble. Les copropriétés expliquent qu’il est nécessaire de maintenir un environnement paisible, loin des nuisances liées aux allées et venues des touristes.
L’interdiction liée à la destination de l’immeuble
Par ailleurs, même sans clause d’interdiction claire, la location saisonnière peut être interdite si elle n’est pas compatible avec la destination de l’immeuble. Pour le savoir, il faut regarder la nature du bâtiment, son standing et les usages habituels.
Si un immeuble est décrit comme étant à usage « strictement bourgeois » ou « exclusivement d’habitation« , c’est un argument de poids pour s’opposer aux locations de courte durée. Les tribunaux estiment que ces termes excluent de fait les activités commerciales.
Le changement constant de locataires, les valises dans les couloirs et le bruit potentiel sont souvent assimilés à une activité commerciale. Cette vision des choses rend la pratique incompatible avec un usage purement résidentiel et peut donc justifier une interdiction.
L’argument des troubles anormaux de voisinage
Indépendamment du règlement, le syndicat des copropriétaires peut agir en justice si une location saisonnière cause des nuisances répétées et prouvées (bruit, dégradations des parties communes, etc.). L’action se base alors sur la théorie des troubles anormaux de voisinage.
Il s’agit d’une action en justice qui peut aboutir à des sanctions contre le propriétaire-bailleur. Le juge peut lui interdire de continuer son activité ou le condamner à verser des dommages-intérêts.
La preuve des nuisances est essentielle : il faut la documenter avec des plaintes, des constats d’huissier ou des témoignages. Les preuves doivent être solides pour démontrer la réalité et la gravité des troubles. De simples témoignages ne suffisent pas toujours.
La démarche à suivre pour un propriétaire souhaitant faire de la location saisonnière
1. Analyser attentivement le règlement de copropriété
Si vous ne l’avez pas, demandez une copie à jour de votre règlement de copropriété à votre syndic. Assurez-vous d’avoir la dernière version, avec toutes les modifications votées en assemblée générale. Le syndic est obligé de vous fournir ce document.
Lisez attentivement les clauses qui parlent de l’usage des appartements et de la destination de l’immeuble. Vous devez notamment :
- Chercher les mots-clés comme « location meublée« , « commerciale » ou « bourgeoise« ;
- Faire attention aux termes comme « exclusivement« , « strictement » ou « uniquement« , qui renforcent le caractère restrictif;
- Identifier toute restriction potentielle à votre projet de location.
Notre conseil : si vous avez un doute sur l’interprétation d’une clause, mieux vaut demander l’avis d’un professionnel (notaire, avocat). Ce conseil peut vous éviter un conflit coûteux et vous aider à mesurer les risques de votre projet.
2. Se renseigner sur la réglementation de la ville
En plus des règles de la copropriété, de nombreuses villes ont mis en place leurs propres règles pour les meublés de tourisme. Ces réglementations locales peuvent être encore plus strictes que celles de votre immeuble et prévoir des sanctions spécifiques.
Vérifiez si vous devez obtenir un numéro d’enregistrement auprès de la mairie. Cette démarche est obligatoire dans beaucoup de villes pour pouvoir louer légalement. Sans ce numéro, vous risquez des amendes et une interdiction de louer.
Bon à savoir : dans les grandes villes, une autorisation de « changement d’usage » peut être nécessaire. Cette procédure est souvent longue, complexe et chère. Elle est particulièrement difficile à obtenir dans les zones où la mairie cherche à protéger le logement pour les habitants à l’année.
3. Communiquer avec le syndic et le conseil syndical
Avant de commencer à louer, il peut être malin d’en parler au syndic. Une démarche transparente montre votre bonne foi et permet d’anticiper d’éventuels désaccords. Cela peut aussi être l’occasion d’avoir des éclaircissements sur le règlement. Une bonne communication peut éviter bien des conflits, surtout si le règlement n’est pas très clair. En expliquant votre projet et en étant à l’écoute, vous pourrez peut-être trouver des compromis avec vos voisins.
Cela vous permettra aussi de connaître la position du conseil syndical et de savoir s’il y aura une opposition. Cette information vous aidera à savoir si votre projet est réaliste et à prendre votre décision. N’oubliez pas également de vérifier les implications en termes d’assurance pour votre activité de location saisonnière.
Quels sont les risques et les recours en cas de litige ?
Les sanctions pour le propriétaire
Si un propriétaire loue son bien en ignorant le règlement, le syndicat des copropriétaires peut l’attaquer en justice. L’objectif est de faire respecter le règlement de l’immeuble. L’affaire est portée devant le tribunal judiciaire. Face à une telle situation, le juge peut prononcer plusieurs sanctions :
- Ordonner l’arrêt immédiat de la location, avec une astreinte (une pénalité financière pour chaque jour de retard);
- Condamner le propriétaire à verser des dommages et intérêts à la copropriété pour le préjudice causé.
Cet argent peut servir à couvrir les frais de justice ou à dédommager les voisins pour les troubles subis.
Les moyens d’action de la copropriété
Concrètement, la première étape est souvent une mise en demeure envoyée par le syndic au propriétaire. Ce courrier formel explique les reproches qui lui sont faits. C’est une étape obligatoire avant toute action en justice, qui laisse au propriétaire une chance de régulariser la situation.
Si la mise en demeure ne donne rien, le syndic doit demander à l’assemblée générale l’autorisation d’aller en justice. Ce vote doit respecter les règles de majorité prévues par la loi et permet au syndic d’engager les frais de procédure au nom de la copropriété.
La copropriété doit réunir des preuves de l’infraction ou des nuisances (captures d’écran des annonces en ligne, témoignages, constats d’huissier). Ces preuves doivent être solides et démontrer clairement les faits reprochés. Les annonces sur les plateformes de location sont souvent très efficaces.
Est-il possible de contester ou de modifier le règlement ?
Un propriétaire peut contester en justice une clause du règlement qu’il trouve illégale ou trop restrictive. Pour cela, il doit s’appuyer sur des arguments juridiques solides, comme une atteinte disproportionnée à son droit de propriété ou une clause trop vague.
Modifier le règlement de copropriété pour autoriser ou interdire la location saisonnière est possible, mais c’est une procédure lourde. La modification doit être justifiée par l’intérêt de la copropriété et respecter des règles de vote très strictes.
Une telle modification doit être votée en assemblée générale à la double majorité (article 26), et même parfois à l’unanimité si elle touche à la destination de l’immeuble. Ces exigences de vote montrent l’importance de la décision et la nécessité de protéger les droits de tous les propriétaires.